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Katalin Kariko, prix Nobel de médecine 2023, de l’ombre à la lumière

Ils ont d’abord cru à un canular, avant de voir leur nom s’afficher sur l’écran géant du comité Nobel de Karolinska Institutet. La biochimiste Katalin Kariko, 68 ans, et le médecin immunologiste Drew Weissman, 64 ans, ont remporté le prix Nobel de médecine 2023. Une récompense qui vient saluer les  recherches sur les vaccins à ARN messager de ces collègues de longue date de l’université de Pennsylvanie. « Les lauréats ont contribué au développement à un rythme sans précédent de vaccins à l’occasion d’une des plus grandes menaces pour la santé humaine dans les temps modernes », a ainsi salué le jury.

Pour Katalin Kariko, treizième femme à obtenir le Nobel de médecine, cette distinction consacre de longues années de recherche passées dans l’ombre, sans reconnaissance de ses pairs. Dès les années 1990, la biochimiste a passé de nombreuses heures à postuler pour des financements pour ses recherches centrées sur l’acide ribonucléique messager, convaincue  qu’il pourrait jouer un rôle clé dans le traitement de certaines maladies. Pour cela, elle a d’ailleurs quitté sa Hongrie natale pour les États-Unis. Mais l’ARN messager suscitait de vives réactions inflammatoires et n’intéressait pas les scientifiques, davantage focalisés autour de l’ADN.

Aussi, en 1995, face aux rejets successifs de ses demandes de bourses de recherche,  l’université de Pennsylvanie, où Katalin Kariko était en voie d’accéder au professorat, a décidé de la rétrograder et de l’écarter des listes académiques “dans l’espoir qu’elle parte”. Interviewée par “Le Monde” en juillet 2022, Katalin Kariko avait ainsi déclaré : “Les institutions dans lesquelles je travaillais ne m’ont jamais montré beaucoup de soutien. En revanche, elles ont toutes fini par me montrer la porte.”

Déterminée, la Hongroise s’est toutefois accrochée et a finalement publié de premiers résultats de recherche sur l’ARN messager avec le médecin immunologiste Drew Weissman, qu’elle avait rencontrée en 1998, en 2005. Un article néanmoins passé un peu inaperçu, car refusé par la prestigieuse revue Nature, qui le jugeait « incrémentiel ». Puis, après une nouvelle éviction de l’université de Pennsylvanie et la signature d’un contrat chez BioNTech, Katalin Kariko a franchi un nouveau palier en 2015 en parvenant, toujours avec Drew Weissman,  à introduire d’infimes modifications dans la structure de l’ARN, le rendant plus acceptable par le système immunitaire. Et cinq ans plus tard, leurs découvertes se sont avérées cruciales pour lutter contre la pandémie de Covid-19, ce qui vaudra au duo de chercheurs le prix Nobel de médecine.

Katalin Kariko a toutefois assuré n’avoir jamais oublié les moments où elle s’est sentie sous-estimée, à commencer par ces conférences d’experts où ses pairs masculins lui demandaient : « Où est votre superviseur ? ». 

Crédit image : Csilla Cseke—EPA-EFE/Shutterstock.com


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