Auteur/autrice : Jeanne Le Borgne

  • Les maladies chroniques sont une source (méconnue) de discrimination au travail

    Les maladies chroniques sont une source (méconnue) de discrimination au travail

    À l’heure où près d’une personne sur cinq souffre d’une maladie chronique, parler de ses problèmes de santé au travail peut être source de discrimination. En effet, selon le baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi, plus d’une personne malade sur deux déclare avoir été victime de harcèlement moral par ses collègues ou supérieurs.

    La double peine. Selon le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail, les maladies chroniques (diabète, asthme, cancer, endométriose…) sont aujourd’hui devenues un enjeu majeur de santé au travail. Et ce, non seulement parce qu’elles obligent les employeurs à se soumettre à « des aménagements raisonnables », mais davantage parce qu’elles peuvent donner lieu à des stigmatisations et discriminations.

    En effet, dans son 16ᵉ baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi, le Défenseur des droits pointe le fait que « une personne sur six atteintes de maladie chronique (13 %) a été confrontée à une discrimination ou un harcèlement discriminatoire en raison de son état de santé ou de son handicap » dans le cadre de son emploi. Un chiffre largement supérieur au reste de la population active, pour qui ces situations ne concernent que trois personnes sur 100.

    Surtout, « les personnes ayant une maladie visible ont trois fois plus de risques d’avoir été confrontées à une discrimination ou un harcèlement discriminatoire ». Quand « 55 % des personnes malades déclarent avoir vécu une situation de harcèlement moral » dans le cadre de leur emploi. Et 40 % des personnes malades dont les problèmes de santé sont connus de leur employeur et de leur supérieur « ne bénéficient du soutien et de la compréhension ni de l’un ni de l’autre ».

    Les maladies chroniques en hausse

    Une situation d’autant plus préoccupante que la part de la population active touchée par une maladie chronique augmente rapidement : de 15 % en 2019, elle devrait atteindre 25 % dès 2025, selon l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).

    Mais alors, que faire ? Auprès de l’Agence France-Presse (AFP), le directeur du bureau de l’OIT en France, Cyril Cosme, a insisté sur la nécessité « de former et de sensibiliser les acteurs du monde du travail à la situation de ces travailleurs » malades et « l’importance de rappeler le rôle des représentants du personnel et des syndicats vers qui les travailleurs peuvent se tourner en cas de discrimination ».

    Un combat qui nous parle chez Mieux, dans notre détermination à accompagner les malades chroniques pour « ajouter des vies à la vie ».

    Source : 16ᵉ baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi, Défenseur des droits, décembre 2023.

  • Trois questions à Imageens, notre partenaire spécialiste de la santé cardio-vasculaire

    Trois questions à Imageens, notre partenaire spécialiste de la santé cardio-vasculaire

    Crée en 2017, la start-up spécialisée dans l’intelligence artificielle Imageens a développé un logiciel permettant de mesurer un biomarqueur spécifique à partir d’images IRM. Celui-ci permet de prédire le risque cardiovasculaire d’une personne pour les dix prochaines années. Entretien avec le Pr Alban Redheuil, cardio-radiologue et chef du service d’imagerie cardiaque à l’hôpital de La Pitié Salpêtrière et Anas Dogui, directeur général d’Imageens.

    La technologie développée par Imageens permet de prédire le risque cardiovasculaire d’une personne dans les dix prochaines années. Pouvez-vous nous expliquer comment vous mesurez cette menace ?

    Anas Dogui : « Nous avons identifié un biomarqueur spécifique, qui permet de détecter les signaux précurseurs d’apparition de maladies cardiovasculaires, et ce, dès le plus jeune âge. Nous avons ensuite développé un outil capable de mesurer ce biomarqueur à partir d’une image IRM, puis de définir l’âge des artères d’une personne – soit son âge cardiovasculaire – et donc son risque cardiovasculaire. »

    Pr Alban Redheuil : « Concrètement, nous mesurons le vaisseau le plus important de l’organisme, l’aorte ascendante, ainsi que sa distensibilité, c’est-à-dire sa capacité à varier de diamètre. Cela nous donne une idée de son élasticité (ou rigidité), qui est essentielle pour déterminer le risque de développer une maladie cardiovasculaire – par exemple une complication d’anévrisme ou un infarctus -, mais que l’on peut mesurer qu’avec les outils développés par Imageens.

    Nous couplons ensuite ces données avec l’âge et le genre du patient, mais aussi avec les facteurs de risques cardiovasculaires classiques (tabac, diabète, manque d’activité physique, obésité, insuffisance rénale, hypercholestérolémie, etc.)  pour déterminer l’âge cardiovasculaire de la personne. »

    En quoi le fait de mesurer l’âge cardiovasculaire d’une personne est une véritable révolution en matière de prévention des maladies cardiovasculaires ?

    Pr Alban Redheuil : « Certaines personnes se retrouvent avec un âge vasculaire beaucoup plus élevé que leur âge calendaire. Or, nous avons démontré que cet âge vasculaire était un marqueur extrêmement puissant pour déterminer l’état de santé des patients et pour prédire de façon fiable les événements cardiovasculaires qui pourront survenir dans les dix prochaines années. »

    Anas Dogui : « Notre technologie a, en effet, fait l’objet de plus de 70 publications scientifiques, dont une étude sur l’analyse de la rigidité artérielle qui a porté sur plus de 3 700 patients, suivis pendant plus de dix ans. Il est donc largement validé scientifiquement et est aujourd’hui utilisé dans un certain nombre de centres de recherches de haut niveau, à commencer par l’hôpital de La Pitié Salpêtrière. »

    Pr Alban Redheuil : « Surtout, si un patient apprend qu’il a un âge vasculaire beaucoup plus avancé que son âge calendaire, il va se préoccuper plus de son état de santé et son médecin va pouvoir agir directement pour faire baisser son risque de développer une maladie cardiovasculaire. Et c’est là qu’Imageens peut faire toute la différence, surtout en agissant chez des individus jeunes et que l’on ne pensait pas forcément à risque. À terme, nous espérons aussi que nos outils permettront de prendre des décisions chirurgicales chez des patients ayant un risque de rupture d’anévrisme à court terme afin justement d’éviter la rupture, qui est un événement dramatique. Des recherches sont en cours pour cela. »

    Vous proposez aux personnes effectuant un bilan de santé chez Mieux d’avoir accès aux technologies d’Imageens. En tant que leaders de l’innovation médicale, pourquoi était-il important de proposer vos outils aux personnes qui nous font confiance ?

    Pr Alban Redheuil : « Nous savons qu’il existe un groupe de patients, dont le nombre est relativement important, chez lesquels les méthodes traditionnelles de prévention sont déficientes. Or, nous avons la chance, avec l’imagerie et les nouvelles technologies innovantes, de savoir directement s’il existe un risque de maladie cardiovasculaire, voire s’il y a déjà une pathologie. Cela va permettre de traiter davantage de personnes qui en ont vraiment besoin et avec la bonne stratégie. Et c’est cela qui est extrêmement important aujourd’hui : permettre aux patients d’être mieux traités grâce à une approche individualisée. »

    Anas Dogui : « Car chez Imageens, nous croyons vraiment que la médecine du futur sera une médecine ultra-personnalisée.  »

  • Les “bilans de prévention” aux âges clés de la vie vont être généralisés dès janvier 2024

    Les “bilans de prévention” aux âges clés de la vie vont être généralisés dès janvier 2024

    A la fin du mois d’octobre, le gouvernement a présenté son projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. Celui-ci vise une économie de 3,5 milliards d’euros par l’Assurance maladie, via des baisses de dépenses pour les médicaments, les laboratoires d’analyse ou encore les arrêts de travail, mais entend bien “poursuivre la transformation du système de santé pour renforcer la prévention et l’accès aux soins”.

    Concrètement, cela se traduit par plusieurs mesures, dont certaines ont déjà été annoncées par le gouvernement, telle que la généralisation d’une campagne nationale de vaccination gratuite contre les infections à papillomavirus humains (HPV) pour tous les élèves de cinquième. Plusieurs amendements ont également été adoptés pour renforcer le dépistage de certaines infections, comme le cytomégalovirus, ou favoriser la prévention de la surdité.

    Mais surtout, le gouvernement entend bien généraliser les “bilans de prévention aux âges clés de la vie” créés par la loi de financement de la sécurité sociale de 2023. Dans les faits, chaque assuré devrait se voir proposer par l’Assurance maladie trois visites médicales gratuites à 25, 45 et 65 ans afin de “faire le point sur sa santé physique et mentale et mettre en place les soins appropriés le cas échéant”. Ces bilans pourront être réalisés par différents professionnels de santé (médecins, infirmiers, sages-femmes, pharmaciens) formés à cet effet, et seront gratuits pour les usagers.

    À 45 ans, le bilan de prévention consistera en un prélèvement sanguin, une analyse d’urines, un test auditif et un test cardiorespiratoire. Les patients seront également invités à réaliser un dépistage du cancer du sein, du colon ou de la prostate et à effectuer un « bilan sur l’activité physique et d’éventuels troubles de santé mentale ».

  • Katalin Kariko, prix Nobel de médecine 2023, de l’ombre à la lumière

    Katalin Kariko, prix Nobel de médecine 2023, de l’ombre à la lumière

    Ils ont d’abord cru à un canular, avant de voir leur nom s’afficher sur l’écran géant du comité Nobel de Karolinska Institutet. La biochimiste Katalin Kariko, 68 ans, et le médecin immunologiste Drew Weissman, 64 ans, ont remporté le prix Nobel de médecine 2023. Une récompense qui vient saluer les  recherches sur les vaccins à ARN messager de ces collègues de longue date de l’université de Pennsylvanie. « Les lauréats ont contribué au développement à un rythme sans précédent de vaccins à l’occasion d’une des plus grandes menaces pour la santé humaine dans les temps modernes », a ainsi salué le jury.

    Pour Katalin Kariko, treizième femme à obtenir le Nobel de médecine, cette distinction consacre de longues années de recherche passées dans l’ombre, sans reconnaissance de ses pairs. Dès les années 1990, la biochimiste a passé de nombreuses heures à postuler pour des financements pour ses recherches centrées sur l’acide ribonucléique messager, convaincue  qu’il pourrait jouer un rôle clé dans le traitement de certaines maladies. Pour cela, elle a d’ailleurs quitté sa Hongrie natale pour les États-Unis. Mais l’ARN messager suscitait de vives réactions inflammatoires et n’intéressait pas les scientifiques, davantage focalisés autour de l’ADN.

    Aussi, en 1995, face aux rejets successifs de ses demandes de bourses de recherche,  l’université de Pennsylvanie, où Katalin Kariko était en voie d’accéder au professorat, a décidé de la rétrograder et de l’écarter des listes académiques “dans l’espoir qu’elle parte”. Interviewée par “Le Monde” en juillet 2022, Katalin Kariko avait ainsi déclaré : “Les institutions dans lesquelles je travaillais ne m’ont jamais montré beaucoup de soutien. En revanche, elles ont toutes fini par me montrer la porte.”

    Déterminée, la Hongroise s’est toutefois accrochée et a finalement publié de premiers résultats de recherche sur l’ARN messager avec le médecin immunologiste Drew Weissman, qu’elle avait rencontrée en 1998, en 2005. Un article néanmoins passé un peu inaperçu, car refusé par la prestigieuse revue Nature, qui le jugeait « incrémentiel ». Puis, après une nouvelle éviction de l’université de Pennsylvanie et la signature d’un contrat chez BioNTech, Katalin Kariko a franchi un nouveau palier en 2015 en parvenant, toujours avec Drew Weissman,  à introduire d’infimes modifications dans la structure de l’ARN, le rendant plus acceptable par le système immunitaire. Et cinq ans plus tard, leurs découvertes se sont avérées cruciales pour lutter contre la pandémie de Covid-19, ce qui vaudra au duo de chercheurs le prix Nobel de médecine.

    Katalin Kariko a toutefois assuré n’avoir jamais oublié les moments où elle s’est sentie sous-estimée, à commencer par ces conférences d’experts où ses pairs masculins lui demandaient : « Où est votre superviseur ? ». 

    Crédit image : Csilla Cseke—EPA-EFE/Shutterstock.com

  • Bientôt un vaccin thérapeutique contre le cancer ?

    Bientôt un vaccin thérapeutique contre le cancer ?

    Cette année, le prix Nobel de médecine a été attribué pour la première fois en 122 ans d’existence à une découverte récente à l’échelle de la science, les vaccins utilisant l’ARN messager. Une technologie, certes mise au jour en 2005, mais dont la principale avancée date de 2015 et le premier usage médical de décembre 2020, pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Des milliards de doses ont depuis été injectées à travers le monde et demain, cette découverte pourrait bien révolutionner la prise en charge des cancers.

    En effet, depuis le début de l’année 2023, au moins quatre essais cliniques ont démontré l’efficacité de vaccins thérapeutiques contre différents cancers. Le laboratoire BioNTech a notamment publié les résultats de son essai clinique dans la revue scientifique “Nature”, où il annonce “des résultats prometteurs” en matière de lutte contre le cancer du pancréas. Dans le détail, pour les huit patients (sur seize) chez qui une réponse immunitaire a été observée après l’injection de leur vaccin, aucune nouvelle tumeur n’a été constatée dix-huit mois après leur chirurgie.

    De leur côté, Moderna et Merck ont développé un vaccin contre le mélanome (cancer de la peau) qui a démontré une capacité de réduire de 44 % le risque de récidive ou de décès lors des essais cliniques. Transgene travaille, lui, sur un vaccin thérapeutique contre le cancer tête et cou, quand Ose Immunotherapeutics se penche sur le cancer du poumon.

    Ce sont autant de recherches prometteuses, qui, même si elles mettront encore plusieurs années avant d’aboutir (au moins cinq ans), font nourrir l’espoir d’un traitement plus efficace contre le cancer, qui reste l’une des principales causes de décès dans le monde, avec près de dix millions de morts par an, selon l’OMS.